
Financement des mobilités : instauration du VMRR – 25 juin 2025
Aziliz Gouez porte le point de vue de groupe Breizh a-gleiz au sujet du bordereau « Financement des mobilités : instauration du VMRR »
Session du Conseil Régional de Bretagne des 25-26 et 27 juin 2025
Financement des mobilités : instauration du VMRR
Aziliz Gouez pour le groupe Breizh a-gleiz
Chers collègues,
Depuis plusieurs années que nous débattons du financement des mobilités dans cet hémicycle, le groupe Breizh a-gleiz a toujours dit son appui à la création de nouvelles ressources propres, de nature à créer le choc d’offre dont la Bretagne a incessamment besoin pour accompagner la révolution des mobilités qu’appelle le XXIe siècle. Nous n’avons pas changé d’avis. Nous avions, hier, exprimé notre soutien à la création d’un Versement Mobilité Additionnel, en interpellant le préfet de Région à ce sujet, et en interrogeant régulièrement le premier Vice-Président sur la progression de ses discussions avec les Ministres qui se sont succédé à Matignon comme aux transports. Nous sommes aujourd’hui favorables à ce que la Bretagne s’empare sans trembler de la possibilité ouverte par la loi de finances 2025 d’instaurer un Versement Mobilités Régional et Rural (VMRR) voué à prendre effet au 1er janvier 2026.
Les raisons qui nous animent sont doubles. Elles tiennent d’une part à la nature et à l’ampleur du défi posé à notre génération – celui de la relève du pétrole et du moteur à explosion, icônes du XXe siècle – et, d’autre part, à notre volonté de bâtir concrètement les conditions d’une autonomie fiscale et financière pour la Bretagne.
Pour ce qui concerne la nature et l’ampleur du défi, elles sont très bien posées dans ce bordereau : la Bretagne se caractérise par un modèle de peuplement singulier, structuré autour d’un maillage de petites et moyennes villes, mais dont le corollaire est une forte dépendance aux mobilités. La vie collective bretonne repose aujourd’hui largement sur la voiture individuelle pour les déplacements du quotidien, et sur le camion pour le transport de marchandises. A l’heure où la sortie des énergies fossiles est un impératif climatique (le transport contribuant au tiers de nos émissions de gaz à effet de serre), une nécessité géopolitique, aussi bien qu’un enjeu de pouvoir d’achat pour les Bretons, il est de la responsabilité de la puissance publique régionale de se donner les moyens d’organiser dès à présent la transition vers une offre transport alternative à l’autosolisme.
Il en va aussi de la compétitivité des entreprises bretonnes : dans un contexte de recrutement tendu, on sait combien les solutions facilitant les trajets domicile-travail peuvent être un critère de choix pour les salariés. Plus largement, les politiques d’investissement public massif dans l’aménagement du territoire sont un facteur déterminant du développement économique, l’histoire bretonne nous l’a appris. Quel aurait été le destin du Léon sans le port en eau profonde de Roscoff, et quel serait le visage de notre péninsule sans le routier breton du tournant des années 1970 ?
Plutôt que d’attendre le grand retour de l’État aménageur – lequel s’apparente à une sorte de mirage – la Région Bretagne a raison de prendre ses responsabilités en activant tous les leviers à sa portée pour relever le grand défi des mobilités dans ce nouveau siècle.
Or force est de constater que la Région ne dispose pas aujourd’hui de moyens adaptés aux enjeux. Où aller chercher les milliards d’euros nécessaires au développement du réseau BreizhGo à l’horizon 2040 ; comment financer les TER du quotidien, les cars dont ont besoin nos écoliers et nos populations rurales, les bateaux qu’attendent les îliens ?
C’est là que l’instauration du VMRR croise la stratégie bretonne d’autonomie fiscale. Maintes fois dans cet hémicycle, les uns et les autres ont déploré l’inadéquation des maigres ressources offertes par la TICPE et la taxe sur les cartes grises, dont le rendement est voué structurellement à baisser, et maintes fois nous avons, collectivement, sur tous les bancs sauf un, invoqué la nécessité d’aller chercher de nouvelles ressources propres. L’exécutif régional est donc bien inspiré de se saisir de la seule possibilité concédée à ce jour par l’État, à savoir le VMRR.
Il ne s’agit évidemment que d’un premier pas, insuffisant ; d’un impôt qui n’est pas celui que nous aurions choisi, mais c’est le seul levier disponible à ce jour ! Et oui, il faudra aller chercher d’autres ressources, diversifier le panier fiscal de la Région.
Nous avons appris par la presse qu’un texte co-signé par la Région et le Medef avait été déposé mercredi dernier à la Conférence nationale sur le financement des mobilités. Ce texte suggère quatre alternatives au VMRR – dont deux nous semblent particulièrement intéressantes.
Vous savez l’importance que nous accordons à la territorialisation des marchés du carbone, et donc nous sommes très favorables à l’idée qu’une partie des recettes découlant de l’entrée en vigueur, en 2027, de la deuxième génération du Système européen d’Echange de Quotas d’Emissions de gaz à effet de serre (SEQE-UE 2), celles émises par les secteurs du transport routier et du bâtiment, puissent être fléchées vers les Régions afin de soutenir le développement des transports collectifs.
Nous sommes tout aussi favorables à la création d’une taxe de séjour additionnelle, assise sur les nuitées touristiques payantes, et articulée à celle prélevée par le bloc communal. En effet il n’est pas exorbitant d’attendre des touristes qu’ils contribuent au financement du réseau régional des transports dont ils sont bénéficiaires ! Et cette taxe revêt en outre un caractère progressif sur le plan social, étant proportionnelle au tarif de la nuitée payée et pesant sur une activité « de loisir ».
Mais nous aimerions que vous alliez plus loin : la fenêtre d’opportunité qui aurait permis d’affecter à la Région la surtaxe des résidences secondaires que nous appelions de nos vœux s’étant pour l’instant refermée, nous plaidons pour que vous envisagiez de compléter toute future taxe de séjour additionnelle par une surtaxation régionale des Airbnb. Il y a là une piste qui mérite d’être explorée.
Pour finir, je dois dire que nous ne sommes pas surpris par les prises de position de la droite en général, laquelle a depuis longtemps passé le colbertisme par pertes et profits et ne met plus beaucoup de nuances à sa croisade contre l’impôt. Néanmoins nous sommes déçus de constater que la droite bretonne ne porte pas un autre discours sur le VMRR.
Et quand je dis « la droite bretonne », je n’y associe pas le Rassemblement National, parti nationaliste français, dont nous n’attendons rien sur le plan de la défense des libertés bretonnes. C’est au groupe Hissons Haut la Bretagne que je m’adresse, qui a soutenu depuis le début la stratégie d’autonomie pour la Bretagne.
Madame Le Brun, Monsieur de Sallier Dupin, vous êtes pleinement conscients de l’impérieuse nécessité pour la Bretagne de recouvrer du pouvoir d’agir – Yvan Moullec l’a exprimé avec force dans une récente tribune. Alors quelle cohérence trouvez-vous à tirer à boulets rouges sur la première possibilité qui émerge de récupérer un peu de la marge de manœuvre fiscale qui a été confisquée aux collectivités locales, et une capacité à investir dans un domaine fondamental de l’organisation de la vie collective bretonne, à savoir les mobilités du quotidien, la connexion avec le reste du continent européen, et la circulation des biens et des marchandises ?
La Région n’est-elle pas pleinement dans son rôle lorsqu’elle déploie une stratégie visant à financer le saut d’échelle qu’attendent d’elle les Bretonnes et les Bretons en matière de développement de l’offre de transport collectif ?
Quelle est votre conception de l’intérêt général de la Bretagne ?
Monsieur le 1er Vice-Président, vous l’aurez compris, le groupe Breizh a-gleiz votera quant à lui en faveur de l’instauration du VMRR à l’échelle de la Région administrative, considérant qu’il s’agit d’une disposition favorable à la prospérité bretonne, à la préparation de l’avenir, et d’un jalon important, concret, dans notre marche vers l’autonomie.
Mais nous avons quand même 3 questions à vous poser :
La carte de la page 7, qui permet de visualiser l’enclavement ferroviaire du Centre Bretagne, est édifiante. Alors quelle sera votre stratégie pour que la réduction du taux à 0,08 % dans les territoires les moins denses et les plus éloignés d’une offre ferroviaire ne revienne pas à entériner une inégalité de fait et donc à perpétuer, sans mauvais jeu de mots, « une Bretagne à deux vitesses » ? Misez-vous sur le car, sur le transport à la demande, sur les innovations émergentes en matière de covoiturage ? Entendez-vous orchestrer un dialogue spécifique, à l’échelle régionale, avec les AOM rurales qui bénéficieront du mécanisme de péréquation introduit par le législateur ?
Deuxièmement, allez-vous mobiliser le produit du VMRR pour prendre à bras le corps la question des lignes dites « secondaires » ? Je pense à la ligne Roscoff-Morlaix, portée par un collectif qui nous a donné rendez-vous tout à l’heure devant Courcy, mais je pense aussi à la transversale si structurante entre Auray et Saint Brieuc via Pontivy, sans oublier le barreau entre Landerneau et Quimper, qui pourrait enfin permettre d’achever la boucle ferroviaire autour de la Bretagne.
Enfin, par quel calcul arrivez-vous à la somme annoncée de 40 millions d’euros, et comment ce produit attendu se compare-t-il avec celui de la CVAE que percevaient les Régions avant 2020 ?
Je vous remercie par avance pour vos réponses.
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