
Avenir de la politique de cohésion- 27 juin 2025
Christian Guyonvarc’h porte la position du groupe Breizh a-gleiz au sujet du bordereau : “Avenir de la politique de cohésion ”
Conseil régional de Bretagne – session des 25, 26 et 27 juin 2025
Bordereau “Fonds européens : bilan et perspectives –
Position du Conseil régional de Bretagne sur l’avenir de la politique de cohésion”
Intervention du groupe Breizh a-gleiz
Monsieur le Président, Monsieur le vice-président, chères/chers collègues,
Les discussions en cours au niveau européen, et surtout entre gouvernements des Etats membres, font peser des risques en cascade sur l’avenir des fonds structurels en Bretagne, sur leur montant, sur les critères d’affectation, sur l’échelon géographique qui sera retenu pour leur gestion. Tout cela est parfaitement décrit dans le bordereau, du risque macro-budgétaire (c’est-à-dire quelle part du budget européen sera encore dédiée aux fonds de cohésion ?) à la méthode choisie pour déployer ces fonds (du modèle actuellement le plus territorialisé, celui du programme LEADER pour les territoires ruraux, aux modèles les plus étatiques comme celui du fonds de relance par exemple).
Une mise en contexte s’impose. Rappelons que la guerre que le régime de Poutine a déclenchée en Ukraine n’est pas, chronologiquement, le premier uppercut qui a mis en péril le fragile arbitrage sur les priorités financières de l’Union européenne. Loin de là. Depuis trois décennies, à l’approche de chaque nouvelle programmation pluriannuelle du budget européen, la politique de cohésion, la politique agricole et la politique des pêches sont sur le gril. A chaque fois, ceux qui veulent démanteler ces fonds structurels se justifient au nom de la compétitivité. Le rapport Draghi de septembre 2024 s’inscrit dans cette filiation. Les propositions qui consistent à regrouper certains fonds structurels et à recentraliser leur gestion au niveau des Etats visent bel et bien à mettre en exergue cet enjeu de la compétitivité de l’économie européenne, tel un mantra magique qui nous ramènerait à la prospérité.
C’est peu de dire que nous sommes sceptiques sur cette traduction techno-étatique de l’organisation des dépenses européennes. Et nous la croyons économiquement inopérante. Les grandes questions devant nous sont bien plus profondes que l’attribution d’enveloppes globales aux Etats-membres dans l’idée de faciliter la tâche des services financiers de l’Union Européenne. Pour la compétitivité de l’économie européenne, il serait bien plus pertinent de traiter de façon cohérente à l’échelle de l’Union la question géopolitique, la question industrielle, la question sociale, la question environnementale, la question commerciale aussi. Car si l’Union européenne est le premier marché dans le monde, cet atout ne suffit pas pour asseoir la souveraineté économique de notre continent. Et pourquoi ? A cause de stratégies nationales dispersées et souvent contradictoires, des contradictions entre Etats dont l’administration Trump et le régime chinois s’amusent d’ailleurs en s’appuyant ouvertement sur les foyers de divisions que sont les forces politiques d’extrême droite… lesquelles prétendent agir au nom du principe de souveraineté. On pourrait en rire si la situation n’était aussi grave.
Notre analyse de la situation nous conduit logiquement à vous dire notre accord avec les propositions que vous nous soumettez.
Sur l’échelon géographique à privilégier pour la gestion des fonds européens, nous voulons faire un rappel et soulever quelques bizarreries.
Le rappel s’ancre dans l’identité même du groupe Breizh a-gleiz, mais aussi dans la réflexion de Jacques Delors : la subsidiarité n’est pas un concept technocratique, c’est d’abord et avant tout un choix d’efficacité et de confiance dans la démocratie locale. Dès lors que les principes directeurs sont partagés au niveau européen, plus les décisions sont prises localement, plus elles sont précises et ajustées aux besoins des populations.
Parmi les bizarreries du moment, relevons que l’Etat a pris des décisions pour le moins surprenantes en ce début d’année 2025. Sur le Fonds vert, par exemple, après un coup d’accordéon qui fait qu’à la fin les crédits sont en baisse, mais une baisse bien moindre que prévu, les services de l’Etat ont dû à la hâte imaginer des rubriques pour dépenser les crédits. Eh bien, qu’ont-ils fait ? En Bretagne, ils ont dupliqué les appels à projets proposés par la Région pour distribuer les crédits du FEDER. Un pur copié-collé, à l’ancienne, qui a dû vous amuser ou vous irriter – ou les 2- , Monsieur le Président, Monsieur le Vice-président, d’autant que l’annonce de l’Etat est venue d’un ancien cadre administratif de notre collectivité aujourd’hui en responsabilité au SGAR Bretagne
A tout le moins, cela démontre le savoir-faire régional, qui a ceci de vertueux que sur le FEDER en particulier, la Région ne capte pas une part majeure des crédits pour elle-même quand elle gère les crédits. Beaucoup d’autres, l’Etat, d’autres régions françaises, n’ont hélas pas ce scrupule, et contribuent ainsi à fragiliser notre position collective quand il s’agit de démontrer que la gestion régionale du FEDER, pour ne parler que de ce fonds, a un effet véritable de convergence des territoires.
Une fois cela analysé, deux séries de questions nous paraissent devoir se poser quant à la position bretonne qui sera défendue après avoir été définie avec les acteurs de terrain. La première série de questions est assez basique. Où, quand, comment, avec qui, cette position bretonne sera-t-elle défendue dans le concert européen ? A ce titre, les 3 députés européens qui siègent dans cette assemblée devront prendre position.
Nous n’avons guère de doute concernant les deux députées européennes qui siègent ici. Nous serions en revanche curieux de savoir comment Monsieur Pennelle va remouliner ce qui nous apparait comme de bons outils de cohésion territoriale et sociale, le FEDER, LEADER, le FSE. Comment Monsieur Pennelle tiendra-t-il une position de dénonciation des pro-Europe tout en expliquant qu’il ne faut pas perdre ces crédits pour nos territoires bretons à cause d’une recentralisation de leur gestion à Paris ?
Mais revenons-en à la méthode bretonne pour consolider notre position votée ce jour. Quel chemin suivre pour valoriser la presque unanimité des élus des territoires de la Bretagne administrative qui s’est affirmée par le biais de la CTAP ?
Faut-il chercher à influencer la position de la France ? Mais quelle est-elle précisément cette position, sachant que la voix de la France est diverse entre la ministre de Montchanin qui, depuis son tropisme parisien, serait ravie de nationaliser la gestion des fonds dans une enveloppe unique, et la représentation permanente de la France à Bruxelles qui n’a plaidé jusqu’ici que la gestion la plus décentralisée possible des fonds ? Devant cette plasticité des cercles étatiques, qui convaincre ? Un premier ministre en bail précaire ? Un commissaire européen français ?
Quelle stratégie auprès des autres régions et auprès des parlementaires européens ? Et comment impliquer les parlementaires nationaux qui pour beaucoup sont peu au fait de ces mécaniques ?
Bref, pour paraphraser un ancien Premier ministre adepte des formules pagnolesques : la route est droite, mais la pente est forte !
Notre deuxième série de questions dépasse cette seule bataille de court terme. A moyen et long terme, quels sont les moyens d’influence dans le concert européen pour une région comme la nôtre dont le nom parle plus que d’autres, c’est vrai, mais qui est dépourvue de tout pouvoir législatif et qui n’a qu’un faible budget en comparaison de beaucoup d’autres régions qui, elles, ont l’autonomie ? Comment allons-nous nous approprier les procédures, les espaces de concertation, pour ne plus dépendre exclusivement d’un débat national marqué par le centralisme, et finalement peu intéressé à la chose européenne ? La Conférence des Régions Périphériques Maritimes, qui a été voulue par des Bretons il y a plus d’un demi-siècle, est-elle toujours l’instance par laquelle la Bretagne peut peser, au moins un peu, à Bruxelles ? En vous entendant hier Monsieur le Président, nous avons compris que ce n’était plus le cas. Mais alors, comment agir en efficacité ?
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