
Avenir de la PAC- 27 juin 2025
Valérie Tabart porte la position du groupe Breizh a-gleiz au sujet du bordereau : “Avenir de la PAC ”
M.Le Président, M.Le Vice-Président, chers collègues,
La PAC a besoin pour sa future programmation de 2027, de toute notre attention politique en Bretagne, nous qui sommes responsables d’une des principales régions agricoles en Europe et qui pour la plupart d’entre nous sur ces bancs sommes attachés à la construction européenne.
Avant d’en venir au bordereau lui-même sur la position de la région pour la future PAC, revenons au préalable sur la façon dont cette politique a été fragilisée, ce qui n’est pas étranger au malaise du monde agricole.
D’abord, une PAC attaquée dans son principe régulationniste. L’année 1992 signe en Europe le détricotage de la PAC avec le déclin progressif et significatif des prix garantis aux agriculteurs et agricultrices et l’ouverture de l’agriculture au grand jeu de la compétitivité et de la concurrence mondiale. Cette réforme a fragilisé le secteur agricole. En 40 ans, le nombre de fermes en Bretagne, passe de 85 000 à 24 000 fermes. C’est une division par plus de 3, une baisse massive de 70 % des fermes.
Ensuite, une PAC attaquée dans sa dimension intégrée : le cadre collectif à l’échelle européenne n’a cessé d’être affaiblie par les Etats membres depuis la réforme de 2003, exacerbant la concurrence entre ceux-ci et accentuant du même coup la crise sociale au sein du monde agricole.
Enfin, une politique attaquée dans son versant environnemental : la portée du Pacte vert européen, pierre angulaire de la transition écologique de l’Union européenne, est largement entamée mettant en péril l’atteinte des objectifs environnementaux et climatiques censés nous protéger et protéger les générations futures.
Dans ce contexte, quelle voix de la Bretagne sur les attendus de la future programmation de la politique agricole commune ?
Globalement, nous partageons les intentions politiques formulées dans la position que vous proposez.
Comme vous, M. Le président et votre majorité, nous plaidons pour une exception agricole et alimentaire. Les produits agricoles pour notre alimentation ne peuvent être considérés comme n’importe quel autre bien marchand, car ils répondent à un besoin physiologique essentiel et parce qu’ils sont au cœur d’autres enjeux stratégiques, comme la qualité de notre environnement, la vitalité des territoires ruraux et la dignité des travailleurs du secteur agricole qui nous nourrit.
Comme vous, nous pensons que cette conception va de pair avec des politiques de protection et de régulation du marché européen, avec le renforcement d’outils de gestion de marché pour garantir des prix stables et rémunérateurs.
La mise en œuvre de mesures de régulation doit permettre au monde agricole de trouver la place qui lui revient dans la chaine de valeur de la production.
Assumons aussi une réflexion sur la mise en place de droits à produire afin de réguler au global les volumes à produire dans les diverses filières et d’organiser le partage de ce volume de production au sein des filières.
Comme vous également, notre groupe est favorable au rééquilibrage financier en faveur du second pilier et à la cohérence entre les 2 piliers de la PAC.
Cette cohérence réside pour nous dans la conditionnalité des aides à l’agroécologie, pour le premier et le second pilier. Le manque d’exigences actuelles sur les aides aux revenus du 1ier pilier des agriculteurs, accentué en France par de faibles écorégimes, n’est absolument pas à la hauteur des enjeux en matière de climat, de biodiversité, de qualité de l’eau et est en décalage avec les mesures du second pilier.
Nous sommes également favorables à une répartition équitable de la manne financière de la PAC, avec un principe d’aide à l’actif.
Enfin, nous partageons avec vous la revendication d’une régionalisation de la gestion des fonds du second pilier, dit de « développement rural » qui, outre diverses aides en direction des agriculteurs et agricultrices, comporte le programme Leader, auquel notre groupe est très attaché pour sa conception du développement local rural ascendant.
Nous réclamons avec force cette régionalisation. Elle correspond à notre conception du partage des pouvoirs. Et puis, il y a les faits : la séquence de pleine gestion bretonne des MAEC (mesures agroenvironnementales et climatiques) a démontré son efficacité pour engager résolument la transition agroécologique, avant d’être repris en main âr l’Etat.
Cette demande ferme de régionalisation de la PAC doit se conjuguer avec le retour d’une politique européenne, pleinement intégrée, avec un budget dédié, des objectifs et des règles harmonisés, en somme le retour, plein et entier du « C » de la PAC, une politique commune .
Avant de vous dire les 2 angles morts, à nos yeux, de ce document, je souhaite m’arrêter quelques instants, dans cette séquence sur l’agriculture, sur les MAEC.
Il y a 2 ans, nous avons soutenu la mobilisation des acteurs agricoles pour obtenir que le budget soit à la hauteur de ces contractualisations souhaitées par la profession agricole bretonne. Quand je dis « nous », je veux parler de la majorité, de notre groupe Breizh a-gleiz et des groupes Ecologistes, Hissons Haut La Bretagne et Nous La Bretagne.
Aujourd’hui, et c’est à nouveau une très bonne nouvelle, nous avons en Bretagne un nombre important de fermes qui souhaitent entrer dans le dispositif MAEC, et à souligner, beaucoup dans les bassins versants algues vertes.
Et aujourd’hui, comme il y a 2 ans, le budget n’est pas à la hauteur.
Autour de 24 millions au budget face à 39 millions de besoins, soit 15 millions manquant pour soutenir la démarche volontaire d’engager la transition agroécologique par la profession agricole.
Il nous faudra à nouveau nous mobiliser.
J’en reviens aux angles morts de la position sur la PAC.
Nous aurions souhaité un approfondissement sur deux points, qui correspondent aux principaux sujets de désaccord lors de nos échanges sur la politique agricole.
Le premier, au sujet des produits phytosanitaires: vous énoncez clairement dans la position l’objectif de sortie progressive des pesticides pour la région, même si pour nous, il n’y a toujours pas d’animation structurée autour de cet objectif.
Vous appelez la commission européenne à reprendre sans délai le chantier législatif sur l’usage durable des pesticides, ce qui, au-delà de la formulation ambiguë, correspond à l’objectif de réduction de 50 % des pesticides à l’horizon 2030. Nous sommes évidemment d’accord pour reprendre ce travail, ce qui doit constituer un premier jalon vers une sortie 0 pesticides.
Nous regrettons, dans la position régionale, l’impasse au soutien à l’agriculture biologique, dont le développement est structurant d’une sortie des pesticides.
Bio contrôle, ne veut pas dire bio ! (Même si ce procédé peut être utilisé en agriculture biologique)
L’approche développée reste une logique substitutive, cherchant à trouver des solutions naturelles ou moins nocives « en substitution » des produits phytosanitaires. Or, la sortie des pesticides est avant tout une refonte profonde des pratiques. Le débat public, sous la pression des vendeurs de produits phytosanitaires, néglige les pratiques déjà éprouvées de suppression de ces produits, comme en agriculture biologique. Il est essentiel de mettre en avant ces solutions, d’encourager leur généralisation, d’exploiter pleinement les travaux de l’INRAE et de poursuivre les recherches dans cet horizon 0 pesticides, absolument nécessaire à notre santé.
Autre point d’achoppement, celui-ci passé sous silence dans la position : celui du redimensionnement des productions aux capacités des territoires. Nous soutenons avec vous l’idée d’un troisième pilier, dédié à l’alimentation pour une PAAC, politique agricole et alimentaire commune. Pour nous, l’enjeu de croiser les trajectoires alimentaires et agricoles est non seulement de garantir pour chaque citoyen l’accès à une alimentation saine et durable tout en assurant des revenus agricoles mais aussi de diversifier et végétaliser l’assiette des européens et européennes.
Quand nous envisageons un avenir décarboné de la Bretagne, tous les scénarios amènent à une réduction de la production animale en Bretagne, au profit d’un rééquilibrage avec des productions végétales. Au moment où des acteurs économiques de la filière porcine appellent à l’agrandissement des élevages, au moment aussi où la justice reconnait la responsabilité de l’Etat dans la mort d’un joggeur exposé à la pollution par les nitrates, présents dans les déjections animales issues de l’élevage, la région va devoir donner un cap. Elle va devoir arbitrer sur les trajectoires de production. Elle va devoir aussi dire clairement que l’augmentation de la taille des élevages est en contradiction avec l’objectif d’un nombre élevé d’installations agricoles.
Redimensionner aux capacités des sols et de notre ressource en eau, c’est rebâtir l’agriculture sur un principe d’autonomie, c’est faire aussi toute sa place à de nouvelles filières, comme celle du lin et du Chanvre en Bretagne.
Cet enjeu d’un horizon avec moins d’élevages, non pas les élevages bovins herbagers à préserver, mais les élevages porcins, volailles hors sol ou surdimensionné est difficile à aborder en Bretagne. Demander la baisse de la production animale sans baisser conjointement la consommation nous amènerait à une impasse, avec une hausse des importations qui dégraderait notre bilan carbone.
Piloter conjointement la trajectoire de production agricole et la trajectoire d’alimentation est tout le sens d’une PAAC, avec le volet alimentaire.
En conclusion, malgré les deux réserves évoquées, qui continueront à nourrir nos débats, la position de la région nous apparait claire et ambitieuse. Dans un contexte national où les discours réactionnaires et populistes exploitent les colères sans proposer de solutions concrètes, cette voix est précieuse.
Puissent ses marqueurs politiques inspirer le débat national et européen, particulièrement à l’occasion de la présidence danoise, dont on sait les convictions en la matière.
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