Les données et l’intelligence artificielle à la Région Bretagne – 25 juin 2025 (1/2)

Published On: 18 juillet 2025Views: 7

Christian Guyonvarc’h porte le point de vue de groupe Breizh a-gleiz au sujet du bordereau  « Les données et l’intelligence artificielle à la Région Bretagne »

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Bordereau « Les données et l’intelligence artificielle à la Région Bretagne – Améliorer le service public rendu aux citoyens et la compétitivité de la Bretagne » 

Intervention de Christian GUYONVARC’H au nom du groupe Breizh a-gleiz, autonomie, écologie, territoires 

Monsieur le Président, chères/chers collègues, 

En Bretagne comme ailleurs, la gestion des données et l’intelligence artificielle ont des applications qui sont extrêmement utiles à notre société. Pour la recherche, dans le domaine médical en particulier. Pour notre sécurité collective face aux différentes formes de criminalité et aux menaces d’Etats voyous ou d’organisations terroristes. Pour une meilleure intégration des paramètres environnementaux et climatiques dans les modes de production et de consommation et dans nos mobilités. Pour un meilleur partage des connaissances scientifiques, techniques, artistiques et culturelles aussi, pour autant que la puissance publique, garante de l’intérêt général, veille à cette exigence d’inclusivité, ce qui n’a rien d’automatique. De cela, ma collègue Aziliz Gouez nous parlera.  

Ce dont je voudrais vous parler, quant à moi, c’est d’une dimension moins réjouissante de l’intelligence artificielle et qui bouleverse déjà nos vies sans que nous le voulions.  

Le 27 mai, le Service d’information du gouvernement publiait deux vidéos sur les réseaux sociaux, à l’occasion de la Journée nationale de la Résistance et des 80 ans de la première participation des femmes à des élections en France. Sacrifiant à la mode du « POV historique » (POV pour « point of view »), ces deux vidéos ont été générées par l’intelligence artificielle. Elles montrent une foule en liesse dans les rues de Paris, supposément le jour de sa Libération. On y voit au côté d’une jeune femme figurant l’archétype de la Résistante un soldat de la Wehrmacht, casque sur la tête, tout sourire, ainsi qu’un drapeau japonais. Cette scène n’a jamais existé… pourtant elle a été produite et diffusée par le gouvernement.  

Ces vidéos mettent en évidence deux choses :  

  • tout d’abord un très inquiétant manque de culture historique au sein même des services de l’Etat ou, à tout le moins, un défaut de vigilance avant la mise en ligne de ces images, 

 

  • ensuite que, par paresse ou par facilité, les outils de l’IA générative tendent à remplacer le travail, évidemment plus exigeant, qui consiste pour un être humain à visionner des images d’archives et à les interpréter correctement au regard des faits.  

Si ce sont les services du gouvernement de la France qui se laissent ainsi aller, comment l’Etat pourra-t-il reprocher au citoyen lambda d’en faire autant ? Et quelle sera la crédibilité de la France quand il s’agira de dénoncer l’utilisation de l’IA par des régimes étrangers aux fins de déstabiliser nos institutions ? Les questions soulevées par ce dérapage gouvernemental sont sans précédent et mettent en lumière combien la dissémination de l’IA générative représente bien davantage qu’une étape de plus dans la révolution numérique. C’est un choc de civilisation, un choc de valeurs.  

Fondamentalement, avec le surgissement de l’IA générative dans nos vies, il est devenu bien plus difficile de distinguer le vrai du faux. C’est pourquoi l’IA générative est une menace pour la démocratie et nos libertés fondamentales. Evidemment, interdire cette nouvelle technologie serait une vue de l’esprit. Mais pour contrer les menaces, nous n’avons d’autre choix que de renforcer le contrôle démocratique des institutions, ce qui suppose davantage de transparence sur les processus de décision et davantage de participation citoyenne, et il nous faudra aussi généraliser l’éducation à l’image dès le plus jeune âge et tout au long de la vie.  

Mais si tout cela est indispensable, ça ne suffira pas. Parce qu’une démocratie ne se protège pas en acceptant l’idée que la désinformation pourrait relever de la liberté d’expression, il faut que le droit dise ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas et que la justice obtienne les moyens de le faire appliquer. A propos du recours au droit je lisais, voici quelques jours, une interview dans un de nos excellents quotidiens bretons. L’interviewé déclarait ceci à propos de l’Europe du numérique : « J’ai toujours eu le sentiment que si nous avions raté la vague des années 2000 qui a conduit à la création des GAFA, ce n’est pas parce qu’on est moins bons ou qu’on ne sait pas innover, mais peut-être parce qu’on ne régule pas assez. » (1) Ces propos n’ont pas été tenus par un « dangereux gauchiste » mais par un ancien patron de grandes entreprises, ancien ministre de l’économie et ancien commissaire européen, j’ai nommé Thierry Breton. Et le même d’ajouter à propos des relations avec les puissances étrangères : « Dans le monde tel qu’il est, le message est simple : zéro naïveté. »  

Comment pourrait-on contredire Thierry Breton après avoir vu ce reportage d’une équipe de France Télévision tourné récemment à Moscou où l’on entend John Mark Dougan, un ancien shérif américain, se vanter d’inonder internet jour et nuit de « fake » au service de la propagande du régime de Poutine en utilisant les outils de l’IA générative ? « J’ai plus de 60 millions d’abonnés », dit-il, « principalement en Europe et aux Etats-Unis. »  

Donc, oui, il convient d’encadrer l’IA générative, de l’encadrer strictement avec pour gouvernail la démocratie et l’Etat de droit. Et d’assumer de couper le robinet quand il est directement branché sur les égouts. C’est vital et c’est urgent. Cela se décide principalement au niveau national et européen mais la Région Bretagne doit aussi y prendre sa part à son échelle et dans tous ses domaines d’intervention.  

 

  1. Le Télégramme, 15 juin 2025, page 7. Propos recueillis par Valérie Cudennec-Riou 

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