Schéma directeur immobilier des lycées

Published On: 11 octobre 2024Views: 196
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Dans cette discussion sur le schéma directeur immobilier des lycées bretons, ma contribution sera celle d’une élue rurale des Côtes d’Armor, qui a été marquée, par la brutalité et l’inanité de la décision de fermeture du collège de Corlay par le conseil départemental des Côtes d’Armor. Le choc est venu non seulement du fait que c’est une majorité de gauche, socialiste, écologiste et communiste qui a pris cette décision, mais encore par certains arguments avancés pour arriver à ce résultat.
Les préjugés ont la vie dure. Donc, j’invite notre assemblée, et vous-même madame la Vice-Présidente à tirer les bons enseignements de ce que je considère comme un échec politique venant d’une collectivité conduite par une majorité qui est proche de nos préoccupations démocratiques, sociales et écologiques,
Car non, l’émancipation sociale d’un jeune originaire du milieu rural n’est pas d’échapper à sa condition de rural et d’aller au collège ou au lycée à la ville. Ce seul énoncé est infamant pour les campagnes, et a correspondu, jusque dans la caricature, à une réalité subie par ses habitants, imposée par la bourgeoisie des villes, pendant des décennies.
On m’objectera que ce n’est qu’un cliché. Pas vraiment. Prenons un cas concret : je suis native d’Arzal et j’y ai de la famille. Le lycée de secteur de mes neveux et nièces est celui de Questembert, situé en bonne place sur l’axe 1 de ce schéma directeur pour une restructuration complète qui dépassera les 15 millions d’euros de dépenses. Tant mieux. Mais jusqu’à la rentrée dernière, les autorités académiques organisaient sans état d’âme son évidement en accordant systématiquement toutes les dérogations demandées au profit des lycées publics vannetais. L’argument avancé ? La concurrence scolaire ! Comme il n’y a pas de lycée privé à Questembert – le fait qu’il y ait sur place l’une des plus grosses MFR de Bretagne ne compte guère -il valait mieux renforcer les lycées publics vannetais face au privé. On croit rêver ! Peu importe l’intérêt pédagogique, et la performance d’un lycée rural, tant que les lycées urbains tiennent le choc.

Heureusement, cette machine s’est grippée et les effectifs du lycée Marcellin Berthelot ont cessé de diminuer, ce qui n’est pas un luxe s’agissant d’un établissement qui accueille par exemple des formations aux métiers des composites au moment où ces derniers doivent à leur tour se décarboner.

Deuxième idée reçue, le grand nombre serait le bonheur des élèves. On serait malheureux dans un trop petit lycée et a contrario la rencontre du grand monde serait source d’épanouissement. Voilà une bien étrange pensée qui ne tient guère compte de la diversité des personnalités de nos lycéens. Et si le prix à payer du gros lycée, ce sont des classes à 40 élèves, alors permettez-moi de douter de la capacité des enseignants à pouvoir accompagner chacun et non le plus grand nombre à la réussite. Bref, là encore il y a un discours ambiant qui intériorise un déclassement des territoires ruraux et qui n’est plus entendable.

Autre idée véhiculée : la réussite des élèves tient à l’accès à un plus grand nombre d’options possible dans une taille importante d’établissements. Aux stratégies individualistes, renforcées par la réforme Blanquer d’inspiration libérale, qui consistent à piocher dans le marché des options et spécialités, je préfère, -car j’y retrouve mes convictions de gauche construites au sein d’un mouvement de jeunesse et d’éducation populaire-, la notion de promotion collective, qui consiste à créer les conditions collectives de réussite pour tous sur un territoire, en renforçant les moyens des établissements qui maillent les territoires, avec des équipes enseignantes en place qui développent très souvent, dans ces plus petits établissements, de nombreux projets et innovations pédagogiques.

Enfin, dernier élément : la rationalisation des investissements. Mais à partir de combien d’élèves un investissement immobilier lourd n’est-il plus « rentable ». A partir de quel seuil d’élèves l’établissement n’est plus viable ? Voilà des questions posées en commission régionale formation et qui me semblent particulièrement mal posées. Il faudra ainsi clarifier ce que vous avancé sur “les M² utiles”
Je siège au conseil d’adminsitration du lycée agricole de Caulnes. C’est à l’évidence un petit lycée rural, avec ses 220 élèves. Cet établissement est assez vétuste et mériterait une rénovation de l’enveloppe thermique plutôt que des travaux qui touchent aux façades, avec des sommes engagées non négligeables. Je m’interroge sur ce qui couterait au bout du compte le moins cher : ces travaux partiels successifs ou une approche générale ? Il y a donc pour l’entretien de notre patrimoine une économie à instaurer qui dépasse la seule question de la taille des établissements.

Je tenais à poser ces points dans notre discussion, alors même que le contexte est à la baisse de la démographie scolaire. Si en l’état actuel du droit en France, il n’appartient pas à la Région seule mais avec l’Etat de décider des ouvertures et des fermetures des lycées, notre groupe tient à ce que notre collectivité tienne bon face à l’Etat pour aborder des évolutions futures de carte scolaire, qui ne pourraient se baser sur le seul critère des effectifs. L’aménagement du territoire en Bretagne, qui est une des premières compétences de la collectivité régionale, doit être regardé avec acuité dans les réflexions, avec une visée de rééquilibrage vers les territoires plus fragiles. Et s’il doit y avoir des fermetures, elles doivent être anticipées et accompagnées par des discussions pour élaborer un projet de territoire dans les locaux qui ne seraient plus occupés par le lycée. Bref, « pas de fermeture sèche, » comme l’a souligné mon collègue Nil Caouissin, lors de la commission Formation pré session.

Avant de terminer, je pointerai 2 sujets qui appellent, à notre sens, de futurs échanges et orientations dans le prochain schéma :
• Le soutien différencié aux lycées d’enseignement catholique prenant en compte la sociologie de leur implantation
• La contribution de l’Etat aux locaux dont il dispose pour les formations dispensées par les CFA, les centres de formation d’apprentis qui relève désormais et par sa volonté, de sa compétence, ce qui n’est pas à notre connaissance, effective

Votre majorité, Monsieur le Président, mais au-delà, la gauche bretonne qui a contribué au pouvoir régional depuis 20 ans, peut être fière de ce qu’elle a réalisé sur ces 2 décennies là où l’Etat construisait à la va-vite des lycées, là où l’Etat laissait à l’abandon ses bâtiments, eh bien, notre collectivité régionale a transformé ce bâti comme jamais précédemment. Nos débats sont importants pour aller plus loin, mais ils s’adossent à cet acquis qui démontre à quel point une collectivité territoriale, quand elle en a les moyens peut être force de transformation.

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