
La politique régionale en matière de pêche
Une précision avant de commencer : comme Loic Hénaff, je ne connais ni les crabes, ni les tourteaux d’ailleurs, mais les dormeurs.
Je comptais intervenir entièrement en breton, mais vu les polémiques sur le dossier de la pêche, j’ai rajouté une partie en français que je n’ai pas pu envoyer à la traduction. Mon intervention sera donc coupée en deux donc préparez vos casques !
Cette feuille de route halieutique semble concentrer toutes les critiques sur les dérives d’une pêche industrielle qui détruit les ressources halieutiques. Est-ce justifié ? Est-il question du navire-usine de 145 mètres acheté par la Compagnie des Pêches de St Malo ? Parle-t-on du Scrombus, cet autre navire-usine, basé lui à Concarneau ? Nous-mêmes nous opposons à ces navires-usines, mais il ne s’agit pas de cela ici. Nous savons les difficultés de la filière, de toute la filière. Mais le bordereau traite pour résumer de décarbonation, de dépollution des milieux, de formation, de valorisation des produits ou encore de transmission. Pas de quoi les mettre en difficulté nous semble-t-il.
Les critiques des associations environnementales sont ciblées sur la ressource et c’est un débat légitime, mais ce n’est pas la Région qui définit les quotas. On nous aurait dit « ce rapport n’est pas ouf », j’aurais compris. Mais affirmer, de but en blanc, que « l’avenir de la pêche bretonne se joue vendredi », ce n’est pas honnête intellectuellement. C’est d’abord faire comme si la Bretagne était autonome, voire compétente sur le domaine. Il nous semble donc qu’il y a beaucoup d’irrationalité dans le débat public.
J’ajouterai qu’on ne peut pas sans cesse opposer la pêche hauturière et la pêche artisanale sans tomber dans la caricature. Le « small is beautiful » a ses limites et c’est un autonomiste qui le dit. Je l’ai dit, nous refusons les navires-usines. Mais les petits navires ne sont pas tous vertueux. Et par ailleurs, le patron-pếcheur de Groix ne va pas pêcher en Écosse ! Le port de Lorient et les ports de Cornouaille perdent d’ores et déjà beaucoup de tonnages en conséquence de la casse de bateaux qui pratiquaient la pêche hauturière. Cette casse est la conséquence directe du Brexit que certaines forces politiques ont voulu. Il faudrait donc aller au bout de la logique et appeler à la fermeture de ces ports ? Ce n’est pas notre choix. Et où iront les navires d’Intermarché s’ils ne pêchent pas en Écosse ? Eh bien… sur la côte où ils concurrenceront les artisans. Que feront les mareyeurs ? Ils importeront. Alors bien sûr, il manque des pistes : imaginer de nouveaux systèmes de commercialisation et de distribution par exemple. Mais je me répète, ce bordereau ne méritait pas tout le bruit qui l’a entouré.
Une fois ces mises en garde faites, j’aimerais commenter le bordereau.
Avant de commencer mon propos, je me suis permis de refaire les statistiques évoquées en début de bordereau. En comptabilisant la Loire-Atlantique, nous comptons 1330 navires de pêche et 4800 marins-pêcheurs. Je le dis car malgré nos votes, nous continuons de confondre la Bretagne et la Région Bretagne. Or, La Turballe, Le Croisic, la Gravette et Gourmalon à Pornic sont aussi concernés que nous par les problèmes de pêche… Nous vous invitons donc, M. le Vice Président, à faire un peu de prospective.
Ceci étant dit, nous souscrivons à la plupart des fiches actions proposées. La transition énergétique dont il est beaucoup question est évidemment un enjeu important pour réduire la dépendance au gasoil. Je remercie M. Cueff d’avoir répondu en commission à une question que je posais depuis longtemps : le reste à charge de la décarbonation par la voile pour les marins serait d’environ 40 %. Il y a sûrement là matière à expérimenter de façon plus forte pour que cet investissement puisse se généraliser. L’électricité ou l’hydrogène nous semblent plus compliqués sur des navires anciens, excepté sur les barges ostréicoles. Les panneaux photovoltaïques sont une idée à creuser même si une partie de la « journée de travail » d’un marin se passe la nuit ! Sur les ports, en revanche, cela permettrait sûrement des économies substantielles et nous applaudissons leur généralisation.
Toujours est-il que les défis à propos de la pêche ne se résument pas à la décarbonation. J’ai eu l’occasion de recueillir le sentiment d’élèves du lycée maritime d’Etel, qui sont pour la plupart des enfants de marins-pêcheurs. Ils sont inquiets pour l’avenir. Le lycée est en perte d’effectifs. Recruter des enseignants devient difficile et beaucoup d’heures n’ont pas été honorées. Et nous, politiques, nous appelons à rendre les métiers plus attractifs tout en répétant inlassablement « il n’y a plus de poissons » ou « les pêcheurs raclent les fonds ». Sans ignorer les problèmes existant sur certains stocks, je crois que nous avons des imaginaires qui ont 20 ans de retard. Quant aux « solutions » prônées par de nombreux politiques, quelles sont-elles ? L’élevage ! La pisciculture, bien souvent, est une ineptie écologique. On nourrit des poissons d’élevage avec du poisson sauvage et des farines à base de protéines importées. Sans parler des rejets d’eaux usées ou des médicaments donnés aux poissons. Nous trouvons gênant de mêler pêche et pisciculture dans un même bordereau car les sujets sont radicalement différents. Vraiment ! J’espère que nous pourrons y revenir.
Par ailleurs, nous regrettons qu’il ne soit jamais fait mention ou beaucoup trop peu de la pollution terrestre quand on parle des milieux. Nous saluons la volonté de « tendre vers l’objectif de 100 % de plastiques recyclés d’ici 2025 », mais réduire le plastique nous semble la priorité. Polluer l’océan avec du plastique recyclé ne nous avancera à rien. Les pesticides ? Aucune mention. Pourtant, nous ne le répéterons jamais assez : de l’état de santé des planctons dépend beaucoup l’état de la ressource.
Nous souhaitons pour finir insister sur deux points : la sécurité au travail et le dialogue interprofessionnel. L’histoire commence à dater puisque je l’ai apprise à la fac, mais en mettant autour de la table pêcheurs, agriculteurs et ostréiculteurs à l’initiative de l’association Cap 2000, la qualité des eaux s’était sensiblement améliorée sur la rivière d’Auray.
Nous ne voterons pas contre ce dossier car il faut donner un signal positif à la filière. De façon lucide, nous ne voulons pas multiplier les importations. Les attaques sur cette politique sont injustes même s’il manque des éléments. C’est juste un dossier très pragmatique.