
Vote du budget régional : le groupe Breizh a-gleiz passe du contre à l’abstention. Voici notre explication de vote
Voici le texte de l’intervention d’Aziliz Gouez
Nous tenons à expliquer l’évolution du positionnement de notre groupe qui, après trois votes CONTRE successifs, choisit, sur le budget présenté par la majorité régionale pour l’année 2025, de s’abstenir pour la première fois. Cette décision de Breizh a-gleiz, dans la position d’opposition qui reste la nôtre, est sous-tendue par trois considérations principales :
- Une analyse, tout d’abord, de notre responsabilité politique dans un contexte de crise idéologique et démocratique d’une gravité inédite. Pour la première fois depuis 1945 et l’infamie de l’État français de Vichy, une force politique d’extrême droite, enracinée dans une tradition violemment antisémite et anti-parlementariste, est aux portes du pouvoir dans notre pays. Une force politique qui n’hésitera pas à laminer les faibles acquis des lois de décentralisation aussi bien que les fondements de l’État de droit, et une force politique qui entretient des accointances avérées avec le pire régime autoritaire, impérialiste, et désormais massivement criminel, du continent européen, à savoir la Russie de Vladimir Poutine. Cette situation nous oblige à considérer d’abord ce que nous partageons avec la majorité régionale – c’est à dire l’essentiel : un attachement cardinal au pluralisme démocratique et culturel – plutôt que ce qui nous en sépare.
J’ajoute que nous ne souhaitons pas – dans ce contexte dangereux – prendre le risque d’entraver la mise en œuvre des politiques publiques régionales, lesquelles constituent, malgré toutes les limitations qui pèsent sur l’action des Régions françaises, et quoi qu’en disent les chantres de l’étatisme absolu, un véhicule important de la cohésion sociale et culturelle de la Bretagne.
- La seconde raison de notre abstention sur le budget 2025 est plus conjoncturelle et « localisée ». Notre décision, prise au lendemain des législatives anticipées de juin dernier, se trouve aujourd’hui confortée par l’insanité de la rafale de coupes sombres infligées par la Présidente de la Région des Pays de la Loire à la culture et au sport, sans parler du sort réservé aux réseaux des missions locales, du planning familial, ou encore de l’économie sociale et solidaire.
Une telle conception indigente de la responsabilité politique, réduite par Christelle Morançais à une croisade contre les dépenses publiques – et cela au nom de la jeunesse ! (on se demande à quoi s’occuperont demain les jeunes des Pays de la Loire, sur un champ de ruines culturel et sportif) – le spectacle de ces dommages, donc, nous fait ressaisir la différence substantielle qui distingue les politiques publiques d’une région gouvernée par la droite de celles d’une région de gauche.
Et pour ne pas faire offense à nos camarades de la droite bretonne, je précise toute de suite que nous ne leur faisons aucun procès d’intention : la différence tient sans doute aussi à ce que la Région Bretagne – qui n’est pas une construction administrative artificielle – a une conscience plus vive de son identité, et donc une conception bien plus largement partagée du rôle fondamental de la culture comme socle et principe actif de la vie collective.
- Enfin et troisièmement, nous choisissons l’abstention parce que nous jugeons que la trajectoire de vos politiques publiques témoigne d’une prise en compte grandissante de la centralité de la crise écologique et climatique dans notre destin collectif. Bien plus qu’il y a trois ans, nous percevons votre souci réel d’accompagner – à défaut encore d’aiguillonner – l’évolution du modèle de développement breton à l’aune de cette nouvelle donne.
Cependant, comme l’ont pointé plusieurs interventions des élus de notre groupe depuis hier matin, nous attendons encore l’orchestration d’une véritable transformation systémique de l’économie bretonne. Dans les domaines de l’eau, de la biodiversité, de l’agriculture, de la production agro-alimentaire, vous restez tributaires d’une logique d’accommodement des contraires, de limitation des externalités négatives plutôt que de leur intégration dans une pensée renouvelée du développement économique et social. De même, sur les sujets de l’autonomie, de la réunification, du logement et de la santé, mais aussi de la souveraineté industrielle, nous entendons l’intention, mais sans percevoir le tranchant de l’action régionale dans ces domaines, ni de réelle volonté de sortir des sentiers battus.
C’est pourquoi le groupe Breizh a-gleiz s’abstiendra sur ce budget, sans franchir à ce stade le pas d’un vote « pour », mais avec l’intention de continuer à tenir notre rôle de force de propositions sur tous les sujets qui concernent le présent et l’avenir des Bretonnes et des Bretons.