
Crise de la filière bio porcine et restauration collective
Nous avons déjà eu l’occasion de débattre dans cette assemblée de la crise de l’agriculture biologique, crise dont on peine à voir la fin. Elle a été particulièrement dévastatrice dans la filière porcine : les producteurs de porcs bios du réseau Biodirect, par exemple, ont perdu près de la moitié de leurs membres et sont toujours confrontés à de lourdes difficultés financières. Paradoxalement, alors que c’est un manque de demande qui a fait disparaître de nombreux élevages, ceux qui ont pu tenir ne sont aujourd’hui plus à même de répondre à toutes les demandes. Si c’est une sortie de crise, c’est une sortie de crise par le bas, qui démontre surtout un échec politique à tenir des engagements dans la durée. Alors que la croissance de la production porcine bio était programmée avec un objectif de 5 %, trop peu a été fait pour maintenir les capacités existantes et pour soutenir celles et ceux qui avaient relevé le défi du développement de l’élevage porcin bio.
L’agriculture biologique est pourtant un moyen de produire une alimentation sans utiliser de pesticides de synthèse, une agriculture qui préserve les eaux et les sols. Elle serait, idéalement, à généraliser. On l’incrimine parfois pour le prix de ses produits, oubliant un peu vite les économies qu’elle permet de réaliser en frais de dépollution, de traitements des cancers, de l’obésité ou des maladies dégénératives. Mais ces économies sont différées, les dommages évités sont diffus, et c’est bien pour cela qu’il ne faut pas laisser au seul consommateur le soin d’orienter les choix de production agricole. Nous l’avons déjà dit : nous sommes contre un système alimentaire à deux vitesse, bio pour ceux qui en ont les moyens, chimico-industriel pour les autres.
Dire cela, c’est bien beau, mais que faire face à la réalité de la crise à laquelle les producteurs en bio sont confrontés ? Alors que l’inflation a marqué les comportements et fragilisé les budgets des plus modestes, bien des distributeurs ont fait le choix de sacrifier le bio, et aggravé la baisse de la demande : on n’achète plus ce qui n’est pas en rayon. La crise du bio a été une douche froide pour nombre de producteurs nouvellement installés, souvent des jeunes, qui ont eu le sentiment d’un lâchage des pouvoirs publics. L’effort pour l’installation de plus d’agriculteurs suppose aussi une sorte de pacte de confiance, il implique que les orientations posées par la puissance publique soient tenues et soutenues dans la durée.
Pourtant, il aurait parfois de peu pour sauver des filières, sauver des fermes, redessiner des perspectives de développement. Car si les éleveurs de la région en 22 % du porc bio français en 2020, ce volume ne représentait que 0,5 % de la production porcine bretonne totale de porc. Et cette proportion a même diminué depuis. Le chiffre de 15 % de baisse de porc bio entre 2022 et 2023 peut sembler considérable, mais cela représente en valeur absolue une perte de 598 truies, selon les chiffres de l’agence bio. Mettons ce chiffre en rapport avec le nombre de repas pris dans les lycées bretons sur une année ! Les collectivités bretonnes, région, département, communes, auraient pu, via la restauration collective, compenser les pertes des éleveurs porcins bios sur le marché privé. Elles auraient pu leur éviter de déclasser leurs produits, de vendre en-dessous de leurs coûts de production, et de voir nombre de fermes disparaître. Pourtant, alors que la Région Bretagne avait fixé un objectif de 10% de porc bio en 2022, j’ai cru comprendre que nous n’étions pas à la moitié de l’objectif en 2023. La volonté a-t-elle manqué ? Ou n’avions-nous pas les bons outils ?
Nous vous croyons sensibles à cette question, et si nous choisissons de la poser maintenant, c’est parce que se met en place une nouvelle centrale d’achats pour le marché considérable des cantines des lycées de la Région. Il y a là une occasion à saisir.
En plus de sauver des fermes, en plus de venir au secours d’un mode de production respectueux de l’environnement, le développement des approvisionnements bios et locaux sera un bon moyen de démocratiser l’accès à ces produits, en en faisant profiter toutes les lycéennes et tous les lycéens du territoire, quelle que soit le poids du porte-monnaie de leurs parents.
Comment la centrale Breizh achats permettra-t-elle d’apporter des débouchés rémunérateurs et stables à même d’assurer la sortie de crise de la production biologique en Bretagne, en particulier des filières les plus gravement touchées comme la filière porcine, et surtout de re-dessiner des perspectives de développement à moyen et long terme ?