La politique emploi-formation Etat-Région

Published On: 19 février 2024Views: 92
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Nous sommes arrivés au moment des premiers changements significatifs dans ce mandat de la politique emploi-formation.

Cette politique fait l’objet d’un enchevêtrement de compétences entre l’Etat et la Région parfois baroque, comme la compétence infos-métiers et non orientation ou encore, plus subtil, celle de la coordination des plateformes locales de lutte contre le décrochage scolaire, mais pas le pilotage de cette lutte. Comprend qui peut.

Pour le dire clairement, notre analyse est que l’action de la Région dans ce domaine est robuste, plutôt bien construite, et même, à bien des égards, audacieuse, à commencer par le mode d’indemnisation des publics en formation professionnelle.

Mais le bordereau que vous nous soumettez est une politique sur laquelle pèse très lourdement, trop lourdement, l’empreinte d’un Etat central désormais acquis aux thèses libérales et dirigistes.

Certaines dimensions bretonnes apparaissent malgré tout, telle la singularité d’une population qui détient un niveau de scolarisation plus poussée que d’autres régions et donc l’élargissement des publics prioritaires dans notre région, aux jeunes de moins de 26 ans, jusqu’au BAC + 2 non obtenu et le niveau jusqu’au bac pour la tranche 26 ans-49.

La Région a aussi affiché une cohérence : la déclinaison de la stratégie régionale des transitions économiques et sociales, la SRTES et du CPRDFOP, Contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles se retrouve dans ce document au titre des orientations régionales. Cependant, nous considérons qu’au-delà du pilotage de grande qualité lié au travail du GREF Bretagne en matière d’observation des évolutions du marché du travail, il manque néanmoins une dimension volontariste dans cette politique. Nous pensons que nous avons besoin de mobiliser des démarches prospectives importantes en Bretagne. Est-ce que le volet prospectif prévu dans le CPRDFOP sera susceptible de dépasser un regard sur les tendances d’évolution par secteurs, d’aller plus loin qu’un simple ajustement des compétences dans l’appareil productif breton lié à la prise en compte à minima des transitions écologiques et numériques ?

L’enjeu pour nous est d’engager une réflexion approfondie en mobilisant les ressources intellectuelles dont nous disposons en Bretagne dans les universités et laboratoire de recherche, avec les branches professionnelles et les partenaires sociaux sur les compétences nouvelles à convoquer dans une perspective de transformation écologique de l’appareil productif breton.

Cette dimension n’est certes pas absente de vos documents, elle devrait aller beaucoup plus loin.

Concernant l’action de l’Etat en cette matière, notre critique prend un ton bien plus sévère.

D’abord sur les moyens mobilisés. La moyenne annuelle du PRIC actuel avoisine 155 millions d’euros contre 111 pour la période à venir, soit 28% de baisse. Pire, la décrue est même officialisée avec des crédits dégressifs à partir de 2026, pour plonger sous la barre des 100 millions annuels.

Peu importe que le chômage soit reparti à la hausse en fin d’année dernière. Peu importe surtout que les entreprises bretonnes qui souhaitent recruter constatent leur difficulté croissante à le faire, certes pour des questions de formation professionnelle, mais désormais pour des enjeux, les fameux « freins périphériques », qui n’ont donc plus rien de périphériques, du logement et des mobilités.

Et puis, que faire face aux nouveaux symptômes comme les augmentations du nombre de décrocheurs, mineurs, qu’il faut ré-arrimer à des dispositifs de formation, d’accompagnement social ? Entre 2022 et 2023, la mission locale de St Brieuc est passé de 66 jeunes mineurs accueillis à 244, soit 178 jeunes mineurs en plus, avec un dispositif Prépa avenir jeune pas vraiment adapté à ce public et surtout avec un manque de places, par manque de financement.

Ajoutons qu’une proportion importante du capital compétences de nos entreprises est sur le point de partir à la retraite. Or notre tissu industriel –agroalimentaire notamment – est particulièrement vulnérable à cet état de fait, puisque le modèle de la production en gros volumes avec des marges faibles génère très souvent un « sous-dimensionnement des fonctions support », autrement dit des équipes RH trop faibles pour anticiper ce mouvement par des actions de formation d’ampleur dans l’entreprise. Ce n’est pas un hasard si la région Bretagne a tenté d’y remédier par des actions de GPEC, gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, voire de GTEC, Gestion Territoriale des emplois et des compétences pour monter à l’échelle du bassin d’emplois et non uniquement de l’entreprise. Ce besoin d’anticipation dans le secteur agroalimentaire est à articuler au volet prospectif plus soutenu que nous appelons de nos voeux, avec des transferts de compétences et des conversions à accompagner vers d’autres secteurs d’activités liés à la transformation écologique et sociale de notre économie.

Bref, cette baisse de crédits est une très mauvaise nouvelle pour tout le monde du travail, des demandeurs d’emplois ou dirigeants d’entreprises.

La réussite de ce futur PRIC dépendra selon nous de la capacité de la Région à installer ses vues aux dépends d’un Etat, et de son bras armé France-Travail, convaincu que la contrainte suffit pour que les demandeurs d’emplois occupent les emplois vacants de leur territoire.

Nous pourrions relire notre collègue Loïc Hénaff et oser avec lui la lenteur, antidote au turbo-capitalisme, pour résister aux facilités de l’adéquationnisme contraint, mis en scène un peu partout comme la solution, le fameux pragmatisme que chaque préfet martèle à l’envi pour échapper au débat contradictoire.

Car, que l’on cherche à former prioritairement les publics les plus éloignés de l’emploi est une bonne chose ; ce qui l’est moins, c’est de le traduire par une valeur statistique, fixée a priori, à la main des représentants de l’Etat qui co-président les commissions territoriale emploi-formation, ls CTEF.

Nous attirons votre attention pour que les élus qui co-animent ces CTEF soient particulièrement vigilants sur la manière dont sont prescrits ces entrées en formation.

La Région Bretagne doit continuer à tenir bon sur une approche des politiques formation-emploi dont la préoccupation est d’«aller vers » les personnes, de prendre en compte leurs souhaits, de s’appuyer sur leur potentialité à acquérir des compétences et de leur volonté d’accéder à un emploi.

Compte tenu de notre attente sur le volet prospectif et surtout des insuffisances de l’Etat, vous comprenez que pour la première fois de ce mandat, nous marquerons une réserve à un bordereau relatif à cette politique emploi-formation.

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