
Le budget 2024 du Conseil régional de Bretagne
L’année dernière, lors de la session budgétaire, nous vous avions invité à rompre avec le train-train gestionnaire, pour poser des actes de rupture avec le système libéral-productiviste dominant dont les esprits lucides savent qu’il est la cause majeure des crises climatique, environnementale, sociale et démocratique qui minent notre pays comme le reste du monde.
Nous rappelions que dans le contexte historique que nous vivons, malgré ses moyens modestes, le Conseil régional de Bretagne pouvait décider de consacrer ces moyens à faire une différence, voire “la” différence en matière d’aménagement durable du territoire, d’adaptation et de lutte contre le réchauffement climatique et de réappropriation linguistique.
Nous relevons ici et là quelques jalons qui montrent que le Conseil régional de Bretagne avance dans le bon sens sur certaines politiques publiques, mes collègues y reviendront durant la présentation des différentes missions du budget et la prise en compte de certains de nos amendements montre cette volonté. Mais le rendez-vous que la majorité régionale avait donné l’an dernier quand il s’agirait de voter un an plus tard le budget 2024, présenté comme le moment où les politiques publiques seraient toutes revues à l’aune des nécessaires transformations écologiques et sociales, ne se concrétise malheureusement pas.
Encore une fois nous attendons la conditionnalité des aides que vous annoncez depuis des mois mais qui ne se déploient pas dans tous secteurs et particulièrement pas dans le domaine de l’économie.
Monsieur le Président, quelles seront les contreparties sociales et/ou environnementales demandées aux entreprises que nous financerons cette année. Quelles contreparties pour les 2 millions d’euros à Chalair aviation et à la BAI-Brittany Ferries, quelles contreparties pour les 900 000 € à Galliance ou les 200 000 € au Gouessant, etc. Nous n’en avons aucune idée et c’est dommageable.
Vous nous interpellerez probablement en demandant ce que nous attendons ? Quelques exemples :
- La promotion d’un autre modèle agricole, Aziliz Gouez vous en a dressé les contours dans son intervention de politique générale
- Une politique de reconquête ferroviaire pour les lignes intérieures et la mobilité du quotidien
- Une reconquête rapide de la qualité des eaux et une meilleure régulation de ses usages
- Une politique de rééquilibrage territorial ambitieuse assurant un accès de tous les bretonnes et les bretons aux besoins de première nécessité comme le logement et à l’accès aux services publics essentiels.
Au-delà de cette promesse non tenue de changements systémiques, nous regrettons aussi que le budget, acte numéro 1 d’une collectivité, ne serve pas de document politique pour assumer l’ambition d’autonomie pour la Bretagne. Pourtant au sortir de l’été, lors du congrès de Régions de France à Saint-Malo, l’opportunité était là ; le travail de fond, consensuel, avait été élaboré au Conseil régional selon une méthode - un groupe de travail transpartisan - qui redonnait du sens à cette expression galvaudée du « à la bretonne ». A ce moment-là, il aurait fallu embarquer toutes les strates de collectivités bretonnes, mobiliser les relais parlementaires et incarner cette ambition singulière, bretonne donc, d’autonomie politique, financière, fiscale pour une Bretagne réunifiée et décentralisée, puis aller au-devant des Bretonnes et des Bretons et nous tourner vers l’Etat.
Mais il ne s’est rien passé de signifiant.
A notre sens, ce moment du budget 2024 de la Région aurait pu, aurait dû être l’expression d’une volonté de reprendre le fil de ce travail sur l’autonomie, malgré les incertitudes du moment liées à l’arrivée d’un Premier Ministre dont nous critiquions, sur les bancs de la majorité régionale comme des oppositions, le propos il y a 18 mois. A l’époque, Gabriel Attal, alors ministre délégué aux comptes publics, renvoyait les enjeux de démocratie territoriale à « de la micro-gouvernance » ! Alors, plutôt que d’attendre et voir, nous pensons qu’il faut avancer et mettre ces questions sans attendre au débat citoyen.
Car l’enjeu en matière financière et fiscale est prioritaire et l’autonomie est un moyen pour revoir en profondeur le système actuel qui est totalement dépassés, nous nous en émouvons tous régulièrement. Aujourd’hui, les sources de recettes des régions sont trop exposées à la conjoncture économique (la TVA, l’accise sur l’énergie et les cartes grises) alors que les régions sont en première ligne pour le soutien structurel à l’économie.
Au sortir de deux années consécutives marquées par un taux d’inflation cumulé de 12%, la Région Bretagne est encore dans une situation financière confortable mais, pour les collectivités, l’impact de l’inflation est bien plus long puisque tous les contrats, marchés qui arriveront à échéance cumuleront toutes les inflations annuelles de la durée du contrat, soit des hausses de 15% pour tous les marchés de 3 ans qui arriveront à terme courant 2024. Et, comparativement la dynamique des recettes est bien moindre, nous en avons parlé.
Face à ces réalités vertigineuses, une part de notre sort est entre les mains de l’ancien maire de Chantilly, Eric Woerth, dont certaines propositions nous ont déjà stupéfaits comme le double droit de vote résident principal/résident secondaire aux élections municipales (ça ne s’invente pas !!)… Mais c’est plus qu’inquiétant.
Avant de conclure, je voudrais mettre en valeur les éléments positifs de la gestion des finances de la collectivité dont l’endettement et la structure de la dette et redire que le travail important mené sur le budget vert pour évaluer l’impact des actions régionales sur le climat au sens large est une avancée qui mérite d’être prolongée au-delà des exigences nouvelles de la loi.
Cette évaluation dite verte accompagné du déploiement systématique de critères sociaux et environnementaux objectivés et de la mise en œuvre d’une stratégie offensive sur la question de l’autonomie politique de la Bretagne permettrait à la majorité régionale de passer du discours aux actes… malheureusement, nous ne sommes qu’à la première étape.