Les orientations agricoles

Published On: 19 février 2024Views: 108
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Que la Bretagne, par la voix de son assemblée politique, se prononce sur des orientations agricoles est tout sauf anodin.

La Bretagne est une des principales régions de production agricole en France et en Europe. Ce qu’elle a à dire, à formuler pour l’avenir de ce secteur d’activité économique est forcément regardé et étudié au-delà de notre péninsule.

« En interne », si j’ose dire, au sein de notre région, les orientations de notre assemblée ont leur résonnance auprès de la profession agricole et de la société bretonne, pour un domaine d’activité qui a marqué l’histoire du développement économique de notre région et qui occupe une place centrale dans l’emploi des bretons et des bretonnes et dans la vie des territoires ruraux.

Même si nous déplorons le manque de leviers à la main du conseil régional pour piloter une politique agricole adaptée à notre région, articulée à un cadrage national et européen, il n’en reste pas moins, et le groupe Breizh a-gleiz l’a toujours défendu, qu’il est fondamental que la collectivité régionale assume un cap politique pour l’agriculture bretonne.

Nous y sommes avec cette feuille de route, « orientations agricoles de la région Bretagne » que vous nous proposez, M. le Vice-président.

Nous partageons avec vous l’orientation d’une région Bretagne contributrice à la souveraineté alimentaire de l’Europe mais nous pensons que vous n’allez pas au bout des équilibres à tenir, que vous n’allez pas au bout des ruptures, certes à construire dans le temps et collectivement mais à engager, que vous n’envisagez pas la bascule de transformation qui passe par un complet retournement idéologique, tournant le dos au dogme libéral et productiviste.

Pour vous faire la démonstration de notre position à vos orientations agricoles, je souhaite revenir sur le concept de souveraineté alimentaire, ce qu’il est et ce qu’il n’est pas.

Cet exercice de la rigueur des mots est fondamental pour amorcer tout débat d’autant plus dans notre période actuelle où les mots sont dévoyés et complètement détournés de leur sens premier.

Le mot souveraineté alimentaire a été remis au-devant de la scène, il y a quelques années, par les dirigeants du syndicat agricole majoritaire, la FNSEA et est désormais accolé au titre même du ministère de l’agriculture, devenu ni plus ni moins « ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire ». Cela mérite qu’on s’y attarde.

La notion de souveraineté alimentaire est apparue sur la scène internationale avec la déclaration de la Via Campesina, en marge du Sommet mondial de l’alimentation en 1996 organisé par les Nations Unies (la FAO).

« La souveraineté alimentaire est le droit de chaque pays à maintenir et développer sa propre capacité de produire son alimentation de base. La souveraineté alimentaire est une condition préalable d’une véritable sécurité alimentaire… dans la mesure où elle assure les conditions économiques et sociales du développement des capacités productives de chaque pays

La souveraineté alimentaire se présente comme une voie de résolution des problèmes alimentaires dans le monde, éloignée des prescriptions de l’idéologie libérale prônant l’insertion dans l’économie mondiale et la promotion des cultures d’exportation. »

C’est important de rappeler les définitions quand le ministre Fesneau tient sur les plateaux télé le discours que la souveraineté alimentaire réside dans… notre capacité à exporter !  Et je ne serais pas étonnée qu’on entende ce discours ici même aujourd’hui sur les bancs de la droite ou de l’extrême droite.

La souveraineté alimentaire parce qu’elle comporte une dimension démocratique, qui est celle du choix des peuples à produire et à choisir leur alimentation, appelle à des politiques agricoles fortes qui doivent être l’affaire en premier lieu des pouvoirs publics et des populations. Elle appelle à une économie régulée, avec le rétablissement d’outil de gestion de marchés à l’échelle européenne et de partage de la valeur.

Oui, nous nous émouvons aux côtés des agriculteurs et agricultrices en France quand ils n’arrivent plus à vivre de leur métier, avec leur production qui ne peut être valorisée dans des marchés où elle est en situation de concurrence déloyale avec des produits importés.

Cette réalité est contraire à la souveraineté alimentaire, ce qui suppose de refonder les politiques agricoles, en premier lieu la PAC, pour protéger notre agriculture mais aussi pour ne pas fragiliser d’autres agricultures régionales dans le monde. Soyons cohérents.

Et puis, nous ne pouvons pas en Bretagne parler décemment de souveraineté alimentaire quand nous dépendons largement d’importations pour notre production agricole. Il faut une 2ème Bretagne pour nourrir le bétail, dites-vous dans le bordereau.

Vous le nommez, vous tournez autour du sujet mais vous ne faites pas de l’autonomie de la Bretagne pour sa production agricole, c’est-à-dire sa capacité à nourrir elle-même les élevages à partir de son sol, le principe moteur de nouvelles orientations qui dessinent un avenir soutenable.

Il ne s’agit pas de stigmatiser les productions actuelles hors sol mais d’indiquer que l’avenir doit être autre.

Revenir à ces équilibres fondamentaux entre production et capacité des sols et de l’eau en Bretagne signifie aussi qu’on prend en charge à la racine le problème actuel des excédents de déjections animales, qui provoquent nos marées vertes. C’est pourquoi on ne vous suit pas du tout quand vous vous enthousiasmez à la perspective d’exportation d’engrais organiques, liés à ces déjections, vers les régions céréalières. Si nous pouvons concevoir cette proposition comme une étape qui améliore les équilibres à retrouver, elle ne pourrait constituer l’horizon, ni pour la Bretagne, ni pour la Beauce, qui doivent retrouver l’une et l’autre les équilibres animal-végétal-sol et renouer avec une polyculture-élevage, stratégie de diversification que la Beauce a d’ailleurs commencé à faire pour maintenir ses rendements.

Enfin, point de souveraineté alimentaire, point de capacité à produire à l’avenir si nous continuons à attaquer la vie et la fertilité des sols, l’existence des pollinisateurs et plus largement des écosystèmes naturels dont nous tenons pourtant notre capacité à produire.

Au nom de la contribution de la Bretagne à la souveraineté alimentaire, nous attendons que le sujet de la sortie des pesticides soit affiché comme objectif politique majeur à piloter.

Alors, avec le bordereau « orientations agricoles », on avance mais la destination balance encore entre plusieurs directions.

Le groupe Breizh a-gleiz porte un autre cap pour l’agriculture bretonne, d’autonomie, de redimensionnement, de sortie des pesticides qui fondent une agroécologie aboutie et sincère

Pour prendre une image bretonne, il nous semble possible de co-voiturer avec vous à partir de Rennes. Mais passé Quimper, il est probable que vous arriviez au terminus, ou bifurquiez tandis que nous irions jusqu’à Plogoff et même jusqu’à la pointe du Cap Sizun.

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