
Les talus en Bretagne
Le remembrement, décidé par l’État central, a servi à augmenter la taille des exploitations. Il avait une visée simple : accélérer l’exode rural. Dans ce combat idéologique, des alliés de poids ont joué un rôle clef : les engrais et les pesticides de synthèse. Ceux-ci ont considérablement facilité le travail des exploitants et réduit le besoin de main d’œuvre dans les champs. Il fallait vider les campagnes et l’opération a réussi ! Je vous ai déjà chanté Gilles Servat ici. Permettez-moi de vous rappeler ce couplet : « Et de tous ces paysans, qu’est-ce qu’on va en faire ? On les mettra à l’usine, on manque toujours de prolétaires ». La situation aujourd’hui : d’ici 10 ans, la moitié des agriculteurs et agricultrices vont prendre leur retraite et nous cherchons aujourd’hui des solutions pour susciter de nouvelles vocations !
Quel rapport avec les talus me direz-vous ? Au final, n’est-il pas illusoire de reconstruire des talus « pour faire joli » si on ne réfléchit pas au modèle agricole que nous voulons ? Le bocage est la résultante d’un type d’agriculture et celui-ci n’est pas compatible avec le productivisme. La plupart des témoignages recueillis de la part des agriculteurs soulignent le manque de temps nécessaire à l’entretien des talus. Plus de main d’œuvre, cela suppose de flécher les aides à l’actif plutôt qu’à l’hectare. Pour réussir le renouvellement de générations dans les 10 ans et réellement changer de modèle, c’est bien cela dont nous avons besoin.
Notre institution, depuis 2007, a créé un dispositif appelé « Breizh Bocage » qui se vante d’avoir planté plus de 5000 kilomètres de haies. Outre le fait qu’une haie n’est pas un talus en ceci qu’elle ne retient pas l’eau en cas de fortes pluies, force est de constater que les linéaires de talus continuent malgré tout de disparaître, y compris de façon illégale quand ils sont inscrits au PLU ou PLUi. On a pu le voir durant le confinement à Callac, Saint-Mayeux ou Spézet où des collectifs se sont montés pour les préserver d’une extinction définitive.
Faut-il rappeler le rôle majeur des talus dans les impératifs actuels écologiques et climatiques : retenue de la terre fertile, apports en matière organique à la vie des sols, épuration et stockage de l’eau, corridors de la biodiversité, protection physique mais aussi sanitaire des cultures et des animaux, régulation de la température…
En mars 2020, il avait été annoncé qu’une cinquantaine d’enquêteurs devaient sillonner la Bretagne durant six mois pour se rendre sur 15000 points d’observation et recenser les talus. Le covid est passé par là, mais ce recensement a-t-il eu lieu finalement ? Nous savons qu’il n’y a pas de tutelle entre les collectivités, mais comment pourrions-nous aider les mairies ou les communautés de communes à faire ce travail de classement et d’inscription dans leur PLU ou PLUI ?