
Politique Mer et Littoral : feuille de route 2025-2027
Politique Mer et Littoral : feuille de route 2025-2027
Monsieur le Président, Monsieur Cueff,
Je ne sais pas si vous êtes amateurs de philosophie, mais votre document m’a fait penser à mes études de la discipline. Parfois, toute une argumentation repose sur un présupposé. Aussi brillante soit-elle, si on ne partage pas le présupposé, dès lors l’ensemble de l’édifice s’effondre. Concernant cette feuille de route, je ne serai pas forcément aussi sévère car l’époque aspire à la nuance, mais j’aimerais par cette intervention remettre en cause quelques uns de nos certitudes dans le domaine maritime.
Le bordereau explique en effet en long, en large et en travers que « la mer fait partie de l’ADN de la Bretagne ». Je ne sais pas si le fait d’être proche de la mer constitue un ADN et j’invite mes collègues à se pencher sur le cas de l’Irlande qui est une île… rurale ! La faute à l’Histoire me direz-vous. Et bien, dans une moindre mesure, l’Histoire a aussi refusé à la Bretagne sa vocation. Le centralisme de nos décisions a bien souvent cassé la maritimité de notre pays. Vous étiez distraits en décembre dernier lors que je vous contais, lors du vœu sur la SNSM la façon dont les seigneurs de Léon, puis les ducs de Bretagne avaient créé des « brefs de sauveté » et mis en place un pilotage en eaux bretonnes. Durant ses siècles d’or, la Bretagne a pu rivaliser par sa flotte avec les plus grandes puissances maritimes… avant d’être cassé par les rois de France.
En lisant ce bordereau, je vous avoue que j’ai ri. L’institution dit que la société bretonne a un « sentiment de maritimité » et donc il faudrait le prendre pour argent comptant ? Un sentiment, chers collègues, n’est pas mesurable. Ce n’est pas factuel. C’est une impression. Ça doit être pris en compte, mais ce n’est pas objectif. Or, il me semble pour ma part – mais là encore c’est un sentiment – que la Bretagne perd sa culture maritime pour devenir littoral.
Je pourrais multiplier les exemples à foison, mais je vais me concentrer sur les éléments du bordereau pour argumenter. D’abord, il est dit que le sentiment de maritimité incitera les bretonnes et les bretons à se tourner vers les filières maritimes. Bien sûr.
Et donc, on peut retourner l’argument : si celles-ci ne recrutent pas, ou pas assez, c’est sans doute justement parce que la culture maritime disparaît peu à peu.
Il suffit d’aller voir qui sont, en majorité, les élèves dans les lycées maritimes pour s’en convaincre : la reproduction sociale existe dans tous les milieux socioprofessionnels
Bien évidemment, la Bretagne, vue sa position géographique, est plus maritime que Auvergne-Rhône-Alpes, mais à ne jamais faire de hiérarchie dans vos priorités, vous ne choisissez pas et en ne choisissant pas, vous laissez faire le marché. Que dit le marché aujourd’hui ? Que l’avenir de la Bretagne, c’est le nautisme !
Voilà la réalité : alors que nous ne cessons de vanter l’industrie, votre bordereau ne prend pour exemple que la voile de compétition. La pêche est évoquée en marge, mais ni la marine marchande, ni la construction navale, ni même la Marine Nationale ne le sont. Je ne parle pas des ramasseurs d’algues, des pêcheurs à pieds, d’Ifremer, du SHOM… En réalité, j’ai eu de la peine à comprendre quels seraient les actions concrètes mises en place. Rendre plus inclusif les classes de mer est un objectif louable, mais la question est bien sa savoir quelle transmission il existe sur les métiers de la mer…
Plus je vieillis et plus j’ai l’impression que les activités maritimes se résument à la plaisance, le nautisme de compétition et les énergies marines. Je me répète, mais toutes ces activités sont plus littorales que réellement maritimes. Les parkings à bateaux à 2000€ l’année pour 5 sorties sont un business juteux, mais je ne vois pas bien la dimension « maritime » du projet. Ce n’est guère plus qu’un parking ! Or, ces parkings à bateaux ont un appétit monstre et cherchent à empiéter sur le foncier de nos ports de commerce et de pêche.
Sans doute peut-on considérer que l’augmentation du nautisme participe de la « culture maritime », mais en attendant, le nombre de personnes qui, il y a 30 ans, avaient un membre de leur famille ou un proche marin-pêcheur, pêcheur à pieds professionnel ou encore dans la marine marchande se réduit !
A Groix, les gens étaient soit marins de commerce, soit pêcheurs. Désormais, il y a 52 % de résidences secondaires.
Par Gael Briand
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